Histoire & PatrimoineHumeur des chaprais

Histoire d’un héros : Henri Mathey

Nous avons choisi pour ce premier feuilleton de l’été, d’évoquer la mémoire de M. Henri Mathey né à Besançon le 15 juin 1919 dont la famille dirigeait l’entreprise commerciale bien connue des bisontins, puisqu’il s’agit des Docks Franc-comtois (puis s’ajoutent les docks bourguignons, et d’autres sociétés) avant de devenir la CEDIS. Il fut lui-même un de ses dirigeants. Le siège et une partie des entrepôts étaient alors installés 8 rue des Docks, voie désormais intitulée boulevard Diderot. Il habitait Bregille et le livre « Mémoires de Bregille » publié par le Comité de Quartier chez Cêtre évoque cet homme hors du commun.

Revue de l’aviation française

Pour notre part, nous reprendrons le récit qu’il fit de son engagement dans les Forces Aériennes Françaises Libres qu’il avait rejoint, en Angleterre en mai 1941. Ce récit a été publié dans le n° 152 de la revue d’aviation ICARE ( il est encore possible d’acheter cette revue sur internet). Il est intitulé :  » Au groupe « Alsace » : une folle équipée « .

Vous constaterez que M. Henri Mathey ne manque pas d’humour….

Henry Mathey aviateur
Portrait d’Henri Mathey,

 

 » Je pourrais vous raconter comment j’ai gagné la guerre…mais comme je n’étais pas le seul dans cette aventure…, et que d’autres l’ont déjà fait avant moi…je préfère vous narrer ce que fut ma « folle équipée » au cours de laquelle j’ai bien failli perdre la vie!

Le 30 septembre 1944, aux commandes de mon Spitfire piloté depuis le 7 mai 1943 au sein du Squadron 341 « Alsace »,

 

 

H

 

je participe sous le commandement du capitaine Andrieux, familièrement surnommé parmi nous « Jacoleader », à une mission de protection sur Arnhem, ville hollandaise rendue célèbre par ls film « Un pont trop loin ». Plusieurs milliers de parachutistes, des centaines de planeurs Horsa et Waco, largués au-delà du Rhin, devaient faciliter aux Alliés le franchissement de ce fleuve et accélérer la fin de la guerre permettant la jonction avec les troupes au sol. Hélas, cela ne se fit jamais. Les paras anglo-canadiens, pris en étau par les troupes allemandes, malgré des combats héroïques, furent pour la plupart massacrés. La première Division aéroportée britannique perdra 7 500 de ses 10 000 hommes engagés dans cette opération. Beaucoup furent faits prisonniers. Rares furent ceux qui purent regagner les lignes alliées. Un vrai désastre!

 

spitfire

Avion Spitfire

 

planeur waco et horsa 2

                                                   Planeur Horsa et Waco

C’est alors que nous volons au-dessus de ce réduit où se déroule cette bataille meurtière que, brutalement, le moteur de mon Spit, après quelques ratés, s’arrête net. Sans doute un problème d’alimentation. Je passe immédiatement du réservoir supplémentaire sur le réservoir principal, en actionnant vigoureusement la pompe à injection pour rétablir le circuit d’essence. En vain. A la radio je lance le message tant redouté : « Red 3, engine trouble ». Alors que l’escadrille s’éloigne, j’amorce un vol plané fidèlement suivi de mon numéro 2, Robidet, tout en continuant de pomper dans l’espoir de faire redémarrer le moteur. Il n’était pas rare en passant d’un réservoir à l’autre, d’être victime d’un « airlock », générateur de quelques ratés. En général le moteur repartait. Par chance, mon hélice entraînée par la force du vent, tourne toujours. Mais perdant de plus en plus d’altitude, je décide de sauter en parachute. J’ouvre le cockpit, trop tard, je suis trop bas.

Résigné au crash je m’attends au pire. Miracle! Le moteur redémarre. Je reprends peu à peu de la hauteur, mon Rolls Royce à nouveau tourne rond. Je suis sauvé.

Soudain des balles traçantes m’entourent, je suis la cible idéale pour la DCA allemande, vu ma faible altitude. Contre toute évidence je garde encore espoir. Tout à coup un choc, une odeur d’huile chaude se répand dans la carlingue. Je suis touché. Le moteur stoppe définitivement, l’hélice se met en croix. Situation angoissante pour moi qui pensais que cela ne pouvait arriver qu’aux autres! Très vite, la panique fait place au calme. Je pousse très fort sur le manche pour conserver ma vitesse, je serre mon harnais au maximum, j’avise un champ. C’est le retour brutal, fracassant, le choc avec le sol, sur le ventre, mon Spit laboure la terre, l’hélice vole en éclats, l’avion s’immobilise enfin dans un grand silence. Quoique un peu choqué, mais sain et sauf, sans une égratignure, je saute hors du cockpit comme un diable sort de sa boîte et cours me dissimuler dans une haie proche. Les Allemands m’ont vu tomber, ils me cherchent… »

 

avion écrasé

 

Image d’archives : un Spitfire vient de rater son décollage…

 suivre…Prochain épisode publié mercredi 11 juillet 2018.

Source : Revue Icare n° 152; Madame Danièle Venet.

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