Histoire & PatrimoineHumeur des chaprais

Suite 5 du récit des souvenirs de M. Jules Devernay, ancien habitant de la Cité Parc des Chaprais

M. Jules Devernay vient d’être enfermé dans un camp de prisonniers en Pologne.

 

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22 juin 1941 : attaque de l’URSS

Entre temps, comme chef de commando, j’avais eu le malheur, me rendant sur un chantier, de refuser de dépanner un camion commandé par un Capitaine S.S. (ne pas lire Sans Soucis !) mais Schutz-Staffel (spécialiste chargé de la surveillance des camps de concentration et des territoires occupés)Ce refus eut le don de lui faire monter la moutarde au nez car il faut dire qu’en attendant du secours (SOSS) il mangeait d’un bon appétit son pain kaka  et sa saucisse moutarde (sans doute de Frankfort).

veste capitaine SS

Il avait de très bonnes bottes et de bons poings, aussi j’eus le droit à une distribution gratuite, de première classe, quelque chose de sonné et je fus sonné, mais j’avais eu le temps de lui jeter à la face mon mépris, ça fait mal, et de racler le fond de la gorge pour lui envoyer quelque chose qui accompagna son pain et sa saucisse, en pleine g……, ici c’était moins bien ! La distribution redoubla donc et je restais comme disent les gars d’Outre Atlantique, KO et sur le carreau (c’était de l’asphalte)

J’étais à peine rentré au camp qu’on me ramassait et que l’on me mettait en tôle avec un nouveau passage à tabac, pas celui qu’on fume bien sûr ! Et que l’on m’annonçait que je passerai devant un tribunal militaire et que l’on me fusillerait ; y z’avaient pas le téléphone arabe, mais ça marchait vite quand même ! J’ai compris tout cela après, mais je vous rassure que je n’étais pas particulièrement intéressé par les trous de balles (je m’excuse du terme, mais un chat est un chat, et un trou fait par une balle est bien un trou de balle).

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Exécution d’un résistant

Je passais donc devant une espèce de bidule qu’eux appelaient Tribunal et c’est là que retrouve mon fameux Lagermeister de Südhof, tout le monde est allemand (même Radio-Paris comme disait un certain à la Radio de Londres), sauf moi, mon défenseur parle à peine le français dans le style des vaches espagnoles. Mon Lagermeisteer raconte une historique pendant près d’une demi-heure, j’ai le sentiment qu’il est en train de défendre mon bifteck, car j’arrive à comprendre qu’il parle de mon travail précédent et de ma … (excusez ma modestie !) compétence, de mon courage, de mon dévouement, etc… vous pouvez en ajouter si c’est un bien, car de toutes façon ce qu’il dit je ne l’ai pas compris ; enfin après quelques jours il m’apprend, par le truchement d’un interprète que je suis condamné qu’à 2 ans de forteresse

Je reprends donc le train, un peu comme un Président de la République ou un Chef D’État, car j’ai deux énormes gorilles pour me protéger et je voyage dans un compartiment mis à ma disposition parla disgracieuse saleté Adolf ou un de ses larbins ! A noter, en passant qu’ils avaient poussé la galanterie jusqu’à se mettre dans un wagon portant le sigle SNCF ! Quelle prévenance.

C’est ainsi qu’un certain 4 JUILLET 1941, j’arrive au Fort Von Prittwitz à POZNAN où je reste quelques temps enfermé dans une espèce de cave et où le régime n’est pas trop dur pour les cuistots, mais pas pour moi, car c’est le tout petit régime : un jour pain-eau et le lendemain eau-pain, pour faire une variante… ceci n’est pas fait pour me faire prendre de la graisse, même pas celle des chevaux de bois.

Après mon petit séjour en cave où, contrairement au vin, je n’avais pas bonifié, j’avais attrapé un mal de gorge qui nécessita nouveau un séjour à l’Hôpital de Poznan, continuant bien entendu à faire l’objet d’une surveillance étroite de la part de mes gardiens, j’étais enfermé dans un genre de cellule… pour fou ! Un soir que j’étais couché, je vois entrer deux durs de durs, armés de fusil, qui me sortent du pieu; ils avaient été prévenus que je voulais m’évader car mon ange gardien, un Judas avait constaté l’absence de ma chemise et de mon caleçon. Aussi cette nuit-là, on me confisqua, en plus de mes vêtements, mon pyjama, ma chemise et mon caleçon et je dus dormir comme le faisaient en leur temps nos parents Adam et Eve.

Le lendemain je reçus la visite d’un jeune docteur qui parlait couramment le français ; je lui racontai mon histoire, et il me déclara que dans les hôpitaux allemands on ne devait dormir qu’en pyjama, mais qu’il me comprenait très bien, car en effet ma cellule n’était pas chauffée. Quelques jours après ce même docteur déclarait qu’il fallait m’opérer des amygdales. Ce fut très simple, une piqûre dans la gorge, un genre de fil d’acier coulissant dans un tube qu’encercle l’amygdale, et l’on tire sur la poignée, crachez et à la suivante !

Je suis resté du 24 Juillet au 7 Août 1941, et je regrettais de quitter cet hôpital, car là encore j’avais de la nourriture en douce par les infirmiers et aussi de très sympathiques infirmières Polonaises. Enfin, toutes les bonnes choses ont une fin et il fallait retourner au fort Von Prittwitz.

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Fort de Prittwitz

La suite de ce récit sera publiée le 26 août 2017.

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