Histoire & PatrimoineHumeur des chaprais

Lip durant la seconde guerre mondiale

N’oublions pas que l’usine LIP dite de la Mouillère est installée aux Chaprais depuis 1897 (voir article précédent Les années Lip aux Chaprais publié le 22 novembre 2014).

La concernant, nous avons trouvé ce communiqué paru, au cours de l’année 1945, dans un numéro de la revue LA FRANCE HORLOGÈRE.  Cette publication, jusqu’à sa disparition en 2008, était destinée aux horlogers bijoutiers. Elle était éditée par la famille MILLOT qui fit paraître de 1883 à 1944 le quotidien Le Petit Comtois.

Le texte que nous reproduisons ci-dessous est donc daté de février 1945 : la guerre n’est pas finie; les camps de concentration sont toujours là et l’espoir subsiste, dans les familles de déportés, du retour des leurs! Fred Lipmman attend donc le retour de ses parents arrêtés et déportés depuis Drancy, convoi n°62 du 5 novembre 1943. Ils sont tous deux morts à Auschwitz le 27 novembre 1943.

photo de Fred Lipmann devant vitrine montres LIP
Fred Lipmann

COMMUNIQUES COMMERCIAUX

La S.A. LIP à sa fidèle clientèle

Dès le mois de février 1945, la S.A. LIP a adressé à sa clientèle la circulaire suivante :

Monsieur et Cher Client,

Les années qui viennent de s’écouler ont laissé sur le territoire français des traces douloureuses. Certains ont perdu des êtres chers, d’autres leurs moyens d’existence. Notre usine et ses dirigeants n’ont pas été épargnés. Le manque de régularité dans l’échange des correspondances, le caractère superficiel des lettres inspiré par la crainte de la censure ont permis la création de véritables légendes.

Beaucoup de bruits, vrais ou faux, ont circulé autour de la marque LIP, de nombreux clients et amis nous ont demandé ce qu’il fallait croire. Nous avons donc estimé que nous devions nous expliquer à nos clients ce que les événements nous avaient apporté.

En 1939, l’usine fabriquait non seulement des montres, mais également des appareils de précision en nombre important pour l’industrie et l’armée. Sur les conseils des ministères intéressés, une usine située loin des frontières fut créée à Issoudun (Indre).

A la faveur des lois d’exception édictées en zone occupée, une direction complice de l’occupant fut installée à Besançon. Cette direction centra l’activité de l’usine sur la production d’appareils divers sortant du cadre de l’horlogerie avec, au début, réquisition complète de la production des montres, ce qui explique la disparition totale des montres LIP du marché horloger.

Réduit aux seules possibilités de production d’Issoudun, M. Fred Lipmann décidait de créer une nouvelle usine d’horlogerie. L’absence de certaines machines-outils obligea nos techniciens à fabriquer une montre d’un type spécial de calibre 10 ½, appelée Issoudun 24 (i24).

Cette montre, bien que d’une qualité inférieure à la LIP Besançon, fut une belle réussite LIP, si l’on veut bien tenir compte des conditions exceptionnelles dans lesquelles elle fut réalisée : manque d’outillage, de locaux, de personnel qualifié pour le remontage. La fabrication fut exécutée dans une usine spéciale édifiée à Valence. Les horlogers-bijoutiers de l’ex-zone libre, bien que critiquant quelques fois sa conception, l’appréciaient et ne cessaient d’en demander. Les raisons de la création de ce calibre n’existant plus, la fabrication en sera ralentie ; la fourniture pour la réparation de ce modèle sera livrée à Besançon.

Dès la libération de Besançon, M. Fred Lippmann reprenait possession de la Société dont il assure aujourd’hui la direction générale en attendant le retour de son père, M. Ernest Lippmann, malheureusement déporté en Allemagne. Il veut que l’usine demeure toujours à l’avant-garde de l’industrie horlogère française. Il est entouré d’une équipe jeune, animée de l’esprit LIP d’avant guerre, qui désire l’aider dans ses réalisations.

publicité Lip sur plaque émaillée

 

Dans les mois qui vont venir, nos clients des grandes villes recevront la visite de nos représentants. Ils vous soumettront les modèles de montres-bracelets qui vont sortir. Ils vous parleront de notre effort pour vous livrer des montres encore plus précises que par le passé et de celui que nous entreprenons pour vous offrir des montres en or, en quantité importante. Nous croyons vous rendre service en nous orientant dans ce sens. Vous aurez ainsi des montres à placer en vitrine, ce qui permettra à votre clientèle d’avoir une idée des prix actuels et contribuera à créer un mouvement tendant l’assainissement commercial demandé par tous et dont profiteront les horlogers-bijoutiers durement concurrencés par des individus sans compétence horlogère.

Notre personnel qualifié est actuellement en nombre insuffisant pour terminer à la fois des montres de poche et des montres-bracelets en quantité telle que nous puissions répondre à toutes les demandes. Aussi, pendant quelques mois, nous produirons uniquement des montres-bracelets.

Nous désirons, au début de l’année 1945, liquider toutes les affaires laissées en suspens ou en litige par l’ancienne direction et redresser toutes les erreurs qui auraient pu être faites. Vous avez peut-être des indications ou des desiderata à nous signaler, vous nous rendrez un réel service en nous écrivant de suite. Nous croyons que votre concours nous permettra d’arriver plus rapidement à un résultat positif.

Nous espérons que vous avez repris maintenant votre ancienne activité et que sous peu, vous nous adresserez des nouvelles des vôtres et de vos affaires.

Le Directeur Général

Page de publicité dans la france horlogère de 1947

Double page de publicité en 1947

Double page de publicité dans la France Horlogère de 1947

 

 

Voir l’article précédent sur Les années  Lip aux Chaprais

Sources : archives municipales; musée du Temps Besançon.

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