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A lire cet été (suite) : deux livres exotiques

La vie au Cameroun ou en Guadeloupe : Le rêve du pêcheur, Là où les chiens aboient par la queue

Pour sortir des sentiers battus, Ginette Chapuis propose deux livres écrits par des femmes.

Le rêve du pêcheur de Hemley Boum

Le rêve du pêcheur

L’auteur est Camerounaise, mais vit à Paris. Ce livre est son cinquième roman, elle a reçu le prix Ahmadou Kourouma. (Lequel était un auteur Ivoirien couronné du prix du livre Inter avec le livre « en attendant le vote des bêtes sauvages » et que tous les élèves ivoiriens ont étudié un jour ou l’autre)

Ce roman retrace la vie au Cameroun dans un village côtier d’une famille de pêcheurs sur trois générations en entrelaçant leur histoire de façon subtile. Zacharias vit de sa pêche et nourrit avec sa femme Yalana qui cultive des légumes, leurs deux filles, Dorothée et Myriam. Vie modeste et laborieuse, mais heureuse. L’arrivée d’une compagnie d’exploitation forestière et sa coopérative va bouleverser leur vie en « offrant » aux familles four et autres marqueurs de la vie moderne, mais aussi en raclant les fonds marins avec leurs chalutiers et équipages étrangers et enlevant le pain de la bouche des pêcheurs obligés de travailler gratuitement pour eux afin de rembourser leurs dettes et de leur vendre petit à petit leurs terres. Zacharias ou Zack le petit fils fuira le Cameroun pour faire sa vie à Paris.

L’histoire de ces trois générations est pleine de suspense et de surprises, elle est menée de main de maître par Hemley Boum ; sa représentation de ces familles laborieuses, modestes, que la civilisation occidentale, arrogante, cupide et égoïste va en partie briser, échappe cependant à tout angélisme, car les protagonistes connaissent aussi des moments de faiblesse.

J’ai dévoré ce livre de 350 pages écrites serré qui sentent bon l’Afrique et ses habitants chaleureux et colorés.



Là où les chiens aboient par la queue Estelle-Sarah Bulle

Là où les chiens aboient par la queue

Publié en 2018, il s’agit d’un premier « roman » pour lequel elle a obtenu le prix Stanislas délivré à Nancy lors du festival du livre sur la place la même année.

Estelle Sarah Bulle

L’auteure d’origine guadeloupéenne est née en France. Elle est la fille et la petite fille de deux des personnages de ce livre, qui est donc un récit familial que lui ont fait ses tantes et son père.

Guadeloupe, fin des années 40. La famille Ezechiel est composée des parents Hilaire et Eulalie et de trois enfants : Antoine qui est une fille mais pour des raisons de mauvais sort n’a pas gardé son prénom féminin, Lucinde et Petit-frère. Ils vivent à Morne Galant, un trou perdu de l’île, ce que le titre étrange de ce récit illustre. Eulalie est une béké d’origine bretonne mais très appauvrie, cependant la blancheur de son teint et ses longs cheveux qui lui confèrent une place à part ne parviennent pas à sauver la famille, car Hilaire se charge de dilapider l’argent qu’elle gagne avec sa modeste boutique pour jouer au grand seigneur. Elle meurt jeune ce qui décide Antoine à quitter Morne Galant pour tenter sa chance dans la capitale Pointe à Pïtre…

C’est une histoire universelle, les enfants vont à la capitale, puis, ici, ils s’exileront encore plus en allant en France chacun à leur tour dans l’espoir d’une vie meilleure. Dans ces récits que font tour à tour les frères et sœurs on découvre le racisme, l’histoire politique, l’accaparation des richesses, la douleur de l’exil, les difficultés d’intégration pour ces émigrés de l’intérieur. La Guadeloupe est une terre de violence depuis l’arrivée des Français, on assiste aussi aux graves émeutes de 1967 qui seront suivies d’une forte répression, les rapports avec la métropole sont compliqués.

Ce qui fait le charme de ce livre, c’est la polyphonie, la variété des récits puisqu’ils sont le fait de trois personnages au caractère très différent et surtout la savoureuse langue créole qui pointe ça et là et nous charme même si le sens nous échappe parfois, car pas toujours traduit ou évident. J’ai particulièrement apprécié cette expression : j’ai la Guadeloupe en colère


Ginette Chapuis

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