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9 coups de coeur de lecture d’octobre 2020

Compte-rendu de la rencontre Coups de coeur lecture du mercredi 14 octobre 2020

Coups de coeur de lecture 14/10/20

La rencontre s’est tenue au Centre Pierre Mendès France
Ont été présenté les ouvrages suivants :

  • La solitude Caravage de Yannick Haenel
  •  Chavirer de Lola Lafon
  • La petite voleuse de la soie de José Frèches
  •  Rhapsodie Italienne de Jean-Pierre Cabanes
  •  Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka
  •  Frieda de Annabelle Abbs
  •  Histoire du fils de Marie Hélène Lafon
  •  Crise d’asthme de Etgar Keret
  • La colo de Etgar Keret

livres coups de coeur oct 20

 

 

Danièle  a été intéressée par :

La solitude Caravage de Yannick Haenel

L’auteur :
Yannick Haenel est né en 1967 à Rennes. Il a passé sa jeunesse en Afrique puis a été interne dans un établissement militaire à Paris.
Co-animateur de la revue  «  Ligne de risque » fondée en 1997 qui émet des réflexions sur ce qu’est la littérature.

Caravage
Comment le livre est né.
A 15 ans, dans son pensionnat militaire, il découvre, ému, dans un livre consacré à la peinture italienne la représentation de Judith. Plus tard, il revoit le tableau, mais en entier, lors d’un séjour à Rome. Surprise, malentendu : c’est la naissance d’une passion pour les tableaux d u Caravage.
Ce livre n’est pas une biographie du Caravage, plutôt construit sur l’alternance entre des épisodes de la vie du peintre et des analyses de ses tableaux.
Mon avis.
J’ai aimé la lecture des œuvres, les relations qu’il établit entre elles, ( modèle, objets, ), avec d’autres œuvres . Il faut le lire en regardant les reproductions sinon « On n’y voit rien ».
C’est un livre d’érudit.
J’ai eu quelques difficultés à entrer dans le livre, mais quand il arrive au sujet lui-même, ça devient très intéressant. On entre dans les nuances, on accède au sens du détail, on élargit notre vie comme le dit lui-même l’auteur.

 
Françoise a présenté

Chavirer de Lola Lafon

Lola Lafon est non seulement écrivaine, mais aussi chanteuse, compositrice et féministe française. de père français et de mère roumaine. Elle a grandi en Bulgarie, puis en Roumanie jusqu’à l’âge de 12 ans, sous le régime de Nicolas Ceausescu. Puis la famille est revenue en France au cours des années 1980.

Chavirer Lola Lafon

L’histoire débute en 1984, avec la jeune Cléo (treize ans), qui vit avec sa famille. Son rêve est de devenir une grande danseuse, connaître la gloire. Elle rencontre un jour, une jeune femme, Cathy, avec qui elle se lie d’amitié. Lui semble t-il.
Elle annonce représenter la fondation Galatée qui soutient les adolescents qui présentant des capacités, ou ayant des projets exceptionnels.»
Cléo tombe ainsi dans les filets qu’ a tissés Cathy en lui faisant miroiter monts et merveilles – en lui offrant des cadeaux luxueux – en la faisant rencontrer des personnages importants pendant des repas assez mystérieux– en lui faisant croire qu’elle a été sélectionnée, et que de plus elle a tapé dans l’oeil d’un juré!
Ses parents, modestes employés sont tout autant éblouis par les perspectives de luxe qui s’offrent à leur fille.
C’est ainsi que Cléo va devenir non seulement la proie de prédateurs sexuels mais aussi rabatteuse auprès d’autres jeunes filles. Elle passe ainsi du rôle de victime à celle de coupable, s’enfermant dans le silence et la honte pour longtemps, voire à vie, sans jamais pouvoir se pardonner.
Les violeurs quant à eux, restent impunis.
Cléo va devenir danseuse et intégrer des ballets , passer dans des émissions télé (Champs Elysées Drucker…), faire sa vie comme on dit

Mon avis
Les choix narratifs sont très judicieux:
-Lola Lafon met en place, par exemple, des chapitres très courts qui rythment le texte et matérialisent l’étau qui se resserre. Par ailleurs, ces courts chapitres nous emportent parfaitement dans la cadence effrénée des représentations de danse, des changements de costume (le corps comparé à une voiture de course…) et de la danse elle-même… qui meurtrit les corps.
-Elle laisse par moment des sortes de «blancs» qui suggèrent les viols sans descriptions sordides.
-Les «témoins» croisés au cours de la vie de Chloé se succèdent également au cours de différents chapitres pour donner des éclairages(comme sur une scène) sur la personnalité de Cléo murée par ailleurs dans son silence.
Il y a beaucoup de remarques dans ce roman qui amènent à la réflexion: la culpabilité, la honte, le pardon, la différence de classes sociales…Un roman qui fait effectivement chavirer.

Berthe s’est intéressée à

La petite voleuse de la soie de E José Frèches

Freches voleuse de soie

José Frèches est né en 1950 à Dax. Conservateur au musée Guimet, maître de conférences à l’École du Louvre, inspecteur des musées de province, puis diplômé de l’ENA en 1978, il a rempli de nombreuses fonctions dans la communication, l’audiovisuel et la culture, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la Chine et l’Asie. (Il était une fois la Chine, Les dix mille désirs de l’Empereur, Quand les chinois cesseront de rire le monde pleurera, L’empire des larmes, Moi Confucius, Bouddha,…)

Ce roman, (paru en 2019) plutôt historique, nous emmène dans la Chine du IIIème siècle à l’époque de la dynastie Han, où nous suivons le destin de divers personnages.
Une jeune femme brodeuse aux doigts d’or, Etoile du Nord, orpheline, fille d’une mère prostituée,( la prostitution était apparemment le lot assez commun des femmes sans autre moyen de subsistance) et d’un père inconnu qui est en réalité un vieil ermite sage taoïste, un jeune prince du Khotan barbare pour les chinois, un général prêt à tout pour atteindre son but et une Persane, personnage redoutable.
Ces personnages évoluent, avec de nombreux rebondissements, dans un monde où règnent la corruption, l’espionnage et les complots, les règlements de compte et la cruauté : la cour impériale et tout ce qui la représente.
Il nous décrit en effet de nombreux rites et coutumes ayant lieu à cette époque, la vie des petites gens comme celles des mandarins à la cour, le tout accompagné de nombreuses notes explicatives.
La narration est très vivante, truffée de citations et de références au taoïsme, notamment sur l’Art de la chambre à coucher.
Il aborde aussi quelques fondements du taoïsme et du confucianisme .

Ce que j’ai aimé :
J’ai beaucoup appris sur l’histoire de la soie, avec en toile de fond la Chine antique qui garde jalousement ses secrets, entre traditions, trahisons, secrets… . José Frèches est un érudit et passionné de la Chine antique.

Marielle a présenté deux livres

Rhapsodie italienne de Jean-Pierre Cabanes

Rhapsodie italienne

Histoire romancée de la période après-guerre 1914-1918 avec la montée du fascisme en Italie : 2 personnages se rencontrent sur les champs de bataille dans les montagnes du Haut-Adige et des Dolomites Lorenzo jeune homme brillant de Verone et Nino pauvre paysan du sud. On suit les aventures amoureuses de Lorenzo et Nino qui finissent par s’entremêler .
Lorenzo commence à vivre dans les lieux de pouvoir, suit l’ascension du Duce et devient son « homme de confiance ». Il l’envoie dans de nombreux lieux d’Italie ce qui nous permet de comprendre la politique italienne de l’époque.
En parallèle, dans le sud où a vécu Nino et où vit sa fiancée les amours sont contrariés et multiples, la société traditionnelle perdure et Cosa Nostra est toute puissante .
Du point de vue historique, on suit bien la montée lente du fascisme dans la société, le rôle de la maîtresse du Duce et de la bonne société romaine . Parallèlement dans le sud on redécouvre le rôle de la mafia en particulier à l’arrivée du débarquement des américains en Sicile et le rôle de ceux-ci dans le maintien de sa puissance.
Bonne vision de la société italienne, sicilienne pendant la période du fascisme italien
Mais aussi véritable fresque formidablement documentée, palpitante, pleine de suspens et fort instructive.
J’ai été sensible aux charmes de l’Italie, aux passions amoureuses vécues par les personnages et à leur fidélité en amour comme en amitié, tout aussi bien qu’en politique. Des mots en dialecte parsèment le livre et lui apportent de l’authenticité.

Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka

Histoires des Japonaises qui migrent aux USA au début du siècle pour se marier à des américains, mariage à distance uniquement par photos interposées.

Julie Otsuka
On suit leur vie dans le bateau, la découverte de leur mari, leur nuit de noces, leur vie de labeur, les difficultés d’ intégration, le racisme latent des américains blancs devant l’arrivée de ces asiatiques aux coutumes si différentes…
En fin de livre, la catastrophe de Pearl Harbour et l’entrée en guerre des USA contre le Japon ont des conséquences désastreuses pour ces familles «américano-japonaises»: considérées comme «des ennemies», elles sont déportées hors de la côte pacifique, envoyés dans des camps dans le centre des USA et libérées souvent plusieurs années après la fin de la guerre.
Ecriture très particulière, sans véritablement d’ histoire. Un rythme répétitif, lancinant type incantatoire très déstabilisant au début donnant à l’histoire la vision d’une société à part marginalisée de «migrants»

Sandrine a été passionnée par :

Frieda de Annabelle Abbs

Frieda est un roman biographique sur Frieda von Richthofen, muse de D. H. Lawrence : Frieda quittera en effet son mari, Ernest Weekley, éminent professeur de linguistique anglais, et ses trois enfants pour vivre avec l’auteur de L’Amant de Lady Chatterley (roman justement inspiré de sa relation avec Frieda) provoquant un véritable scandale.

Frieda Abbs

Je ne connaissais pas du tout Frieda von Richthofen et son histoire avant de lire ce roman, j’ai donc été passionnée par cette lecture. La postface, avec des notices biographiques des différents personnages et un court texte sur les oeuvres de D. H. Lawrence et leur réception à l’époque, est un gros atout et donne envie de faire quelques recherches après avoir terminé Frieda.
L’auteure nous dresse un portrait fascinant et en même temps complexe de Frieda, dont le seul crime au final est d’avoir voulu vivre en avance sur son temps mais aussi d’aspirer au bonheur en vivant sa vie comme elle le souhaitait. On ressent beaucoup d’empathie pour elle, surtout dans la deuxième partie du roman, où elle doit faire face au déchirement de ne plus voir ses enfants. On ressent également une certaine émotion pour son mari et ses enfants : on suit leurs pensées et leurs paroles au cours de certains chapitres, ce qui apporte un éclairage différent et complémentaire sur cette histoire et plus particulièrement de voir comment ils ont vécu ces événements (c’est terriblement poignant dans le cas des enfants). En revanche, j’ai trouvé Lawrence très antipathique : il n’a pas l’air de réaliser les sacrifices qu’a fait Frieda pour lui et ce que cela lui coûte, réagissant parfois comme un enfant trop gâté.

Marie-France a apprécié

Histoire du fils de Marie-Hélène Lafon

C’est le troisième livre de cette auteure, que je lis, évidemment c’est parce que j’apprécie son écriture.
J’ai été un peu déconcertée par  le début du récit.  C’est touffu, je ne comprenais rien.  Heureusement,  ça s’éclaircit peu à peu. Des personnages mieux identifiés apparaissent.  Ce récit est comme un puzzle,  les éléments se mettent en place au fur et à mesure.

histoire du fils Lafon

André le fils de Gabrielle,  né de père inconnu est élevé par Hélène ( la soeur cadette de Gabrielle ) et son mari Léon.  Il est heureux dans cette famille de filles. Il voit sa mère trois semaines  au mois d’août et une  semaine à Noël,  mais elle ne lui manque pas.
Les  dates se suivent,  mais pas dans un ordre chronologique,  comme des souvenirs. De ce fait, il y a des retours en arrière,  on passe de 1919 à 1950, puis on revient en 1934. La construction du roman est vraiment originale, j’ai été happée par cette saga auvergnate, qui se déroule de 1908 à 2008 . Un siècle de cette famille est racontée en peu de pages, mais tout est dit dans une écriture sobre  pas  sèche et fluide.

L’auteure  Marie Hélène Lafon  est née le 1er octobre  1962 à Aurillac  dans le  Cantal.  Elle est fille de paysan , elle est devenue professeur, elle a  écrit de nombreux romans dont  « Les pays » et « Joseph « .

 

Catherine a apprécié :

La colo de Kneller et Un homme sans tête et autres nouvelles de Etgar Keret

Etgar Keret

Etgar Keret, né le 20 août 1967 à Ramat Gan, banlieue de Tel Aviv, est un écrivain, scénariste de bande dessinée et cinéaste (israélien et polonais), un écrivain de la jeune génération, très populaire en Israël. Sa mère est une rescapée du ghetto de Varsovie et son père Efraim Keret est aussi un survivant de l’Holocauste.

La Colo de Kneller (2001)
a été adapté au cinéma dans Petits suicides entre amis
C’est l’endroit où arrivent les suicidés après leur mort, en majorité des jeunes. Cet endroit ressemble furieusement au monde qu’ils ont décidé de quitter, par désespoir, chagrin d’amour ou autre. Hayim le narrateur (le mot signifie « vie » en hébreu) est à la recherche de son amie Erga (« nostalgie ») à cause de qui il a mis fin à ses jours, et dont il apprend le suicide ultérieur au sien. Il mène cette quête en compagnie de son ami Ari et de Lilih, morte d’overdose…

Un homme sans tête et autres nouvelles (2005)
Dans ces petits récits très courts, où Kafka n’est pas loin,, qui sont davantage des mises en situation que des nouvelles, Keret nous fait rire mais réussit aussi à nous mettre mal à l’aise. La mort apparaît souvent, mais mêlée à des situations cocasses ou absurdes.

Mon avis
Dans ces œuvres pleines d’humour, l’étrangeté flirte avec la vie quotidienne, l’absurde avec la mélancolie existentielle.
Le ton est léger, dans la veine d’un Boris Vian ou d’un Raymond Queneau. Les narrations souvent à la première personne sont le fait de personnages naïfs, innocents voire enfantins, témoins ou acteurs d’événements loufoques ou pour le moins insolites (cela me fait également penser au cinéma muet burlesque américain, comme Laurel et Hardy ou Buster Keaton).
On peut être insensible voire allergique à ce type d’inspiration, d’humour et d’écriture presque minimaliste. Pour ma part, j’apprécie beaucoup ce registre, peu fréquent en littérature, qui incite à réfléchir sur la condition humaine, sans se prendre au sérieux et avec une grande économie de moyens.

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